lundi 26 janvier 2015

Valider la légitimité de la richesse

Les économistes ont une représentation de l’activité économique à partir de deux activités centrales que sont les « productions » et les « consommations ». Ces activités génèrent néanmoins des externalités, c’est-à-dire qu’elles ont des conséquences considérées comme inintentionnelles sur différents états (sur la nature, sur la société et les communautés, sur les individus). Ces externalités, non comptabilisées dans les systèmes de comptes conventionnels, peuvent être positives ou négatives. Elles sont négatives quand l’activité de production ou de consommation a un effet incident qui nuit à des agents économiques tiers, sans que son coût ne se reflète sur un marché. Cette nuisance est alors ignorée des comptes. C’est le cas par exemple de la pollution engendrée par une activité industrielle, de la perte de la biodiversité liée à cette activité, ou encore d’une décohésion sociale que peut produire l’installation d’une grosse entreprise sur un territoire (comme c’est parfois le cas de multinationales dans des territoires en développement, mais pas seulement). Elles sont positives lorsqu’en plus des produits ou services rendus, les activités ont des impacts envisagés comme des plus-values ou des bénéfices pour d’autres agents que les bénéficiaires-cibles ou encore pour l’ensemble de la collectivité. Ces externalités positives peuvent alors améliorer, par exemple, le cadre de vie, elles oeuvrent à la densification de la cohésion sociale, à la réduction des inégalités, ou encore à la réduction de nuisances environnementales. Les économistes tentent d’évaluer le coût (économique) de ces externalités par le biais de différentes méthodes dont on rend compte dans la suite de ce document. La légitimité des biens et services publics financés par le biais de prélèvements obligatoires mérite également d’être questionnée dans un contexte de crise de la démocratie représentative. Sans remettre en cause la légitimité des institutions démocratiques, chacun s’accorde à considérer que l’action publique gagne en qualité quand sa définition associe la société civile dans ses différentes composantes, quand elle fait l’objet d’une évaluation pluraliste, et plus généralement quand elle réunit une large diversité d’acteurs pour produire les biens communs d’un territoire. Dans cette perspective, l’économie sociale et solidaire, quand elle se trouve étroitement associée à la production des biens publics, ce qui est souvent le cas dans sa dimension associative, joue bien souvent un rôle d’aiguillon des décideurs publics, en particulier sur les territoires. Elle le fait en contribuant à faire émerger de nouveaux besoins sociaux, en proposant de nouvelles manières de satisfaire les besoins existants ou en développant des initiatives qui concourent à retisser une partie du lien social détruit par la dynamique actuelle de l’économie. Autant de qualités qui justifient en retour un soutien public. La notion d’utilité sociale émerge dès les années 70 dans ce contexte de redéfinition des responsabilités dans la co-production des biens communs. Son histoire30 associe finement l’État et sa politique fiscale, notamment dérogatoire, et l’économie sociale. Elle bouscule les frontières entre utilité sociale et intérêt général, et sa définition et sa mesure en font un indice central de l’identité même de cette « ESS ». Le projet de Loi-cadre ESS ne s’y s’est pas trompé en indiquant que faisaient partie de l’ESS les organisations qui avaient une « mission d’utilité sociale » (article 1er). Le projet fixe légalement une définition de l’utilité sociale dans son article 2. Il précise « Sont considérées comme poursuivant un objectif d’utilité sociale, au sens de la présente loi, les entreprises dont l’objet social satisfait à titre principal à l’une au moins des deux conditions suivantes : 1° Elles ont pour but d’apporter un soutien à des personnes en situation de fragilité, soit du fait de leur situation économique ou sociale, soit du fait de leur situation personnelle. Ces personnes peuvent être des salariés, des clients, des membres, des adhérents ou des bénéficiaires de l’entreprise ; 2° elles ont pour objectif de contribuer à la préservation et au développement du lien social, au maintien et au renforcement de la cohésion territoriale ou de concourir au développement durable. » (chapitre I. article 2, source: Agence Incentive). On revient sur cette définition en conclusion.