jeudi 3 septembre 2015

Voir la courbure de la Terre

Cela faisait des années que je rêvais de voir cette fameuse courbure. Cela aura pris un peu plus de temps que prévu, mais je l'ai enfin vue, lors d'un fabuleux vol en MiG 29. Je me souviens que tout gamin, déjà, je regardais vers le ciel et me disais qu'un jour, je monterais là-haut. Ca n'aura pas été sans une bonne dose de suspense, soit dit en passant. Vu les rapports entre la France et la Russie à l'heure actuelle, je n'étais pas du tout sûr d'obtenir toutes les autorisations nécessaires. Mais bizarrement, tout s'est déroulé sans problème, et j'ai en définitive pu embarquer à bord de cet appareil légendaire qu'est le MiG 29. Non seulement j'ai pu monter jusqu'à la stratosphère pour y apprécier la noirceur de l'espace et voir cette boule ronde qu'est notre planète, mais le pilote m'a également gratifié d'un vol acrobatique qui m'a retourné (littéralement et à de multiples reprises) : boucles, retournements, vol dos, et bien d'autres. Une expérience ahurissante ! Ce que je redoutais le plus, c'était de ne pas endurer les G. Mais Aleksei, mon pilote, m'a averti avant d'embarquer qu'il calibrerait l'expérience selon mes réactions. Ainsi, si les figures ont été de plus en plus violentes au fil des minutes, Aleksei s'est toujours assuré que je vivais bien ce vol. Si bien que, de manière assez surprenante, je n'ai pas vomi (il paraît que c'est assez rare : 9 personnes sur 10 rendent leur déjeuner). Le seul moment pénible, en fin de compte, s'est passé avant le vol. Bien avant le jour J, j'avais du mal à trouver le sommeil en imaginant ce vol. La veille, je suis finalement allé en Russie pour accomplir mon expérience. Je peux vous assurer qu'en montant à bord de l'appareil, j'avais les mains qui tremblaient. Pourtant, une fois assis dans le cockpit et bien harnaché à mon siège, j'ai eu comme un déclic. L'appréhension a disparu. J'avais entièrement confiance dans le pilote et dans l'avion. De toute manière, il n'y avait plus grand-chose à faire : je n'avais plus le moindre contrôle sur les événements. Et j'ai donc lâché prise parti pour vivre 45 minutes d'euphorie. L'expérience est si intense qu'on n'en prend la pleine mesure que bien plus tard. Quelques heures après le vol, j'ai soudain fondu en larmes. Comme un barrage qui a brusquement craqué. Un simple trop plein d'émotions. Suivez le lien pour en savoir plus sur ce vol en MiG-29.


L'Europe face à l'Islam

Convoquée en urgence après la chute de Ramadi et Palmyre, la conférence internationale sur l'Irak et la Syrie, organisée le 2 juin dernier à Paris, ne suffira pas à relever le défi posé par Daesh. Par défaut de diagnostic initial et refus d'une véritable solution politique. La chute de Palmyre, le 21 mai dernier, a soulevé une émotion considérable. La crainte étant que, tout à leur fureur iconoclaste, les jihadistes ne s'en prennent aux vestiges des civilisations préislamiques qui justifient l'inscription de cette cité au patrimoine de l'humanité. Critiquée pour sembler parfois plus sensible au sort des ruines qu'à celui des populations, l'Unesco a tenu à préciser, par la voix de son DG, Irina Bokova, "Notre objectif: non pas sauver de vieilles pierres mais les repères et les identités participant à la survie des peuples." Cette terrible défaite de l'armée régulière syrienne vient rappeler qu'en Syrie, "la guerre tue". Le mois de mai?2015 a même été le plus meurtrier depuis le début de l'année: 6657 morts, en majorité des soldats et des jihadistes, selon l'Observatoire syrien des droits de l'homme (OSDH) cité par Le Monde du 02/06/205. Au total, plus de 220 000 personnes auraient péri depuis le début du conflit, en mars? 2011. Pour autant, l'origine de la menace que constitue aujourd'hui l'Etat islamique est à rechercher de l'autre côté du désert de Syrie. Entre Tigre et Euphrate. L'Irak, "laboratoire du siècle"? Dans un supplément de la revue de géopolitique Conflits, titré "Terrorisme: Irak, l'origine de tout", Alain Bauer et Xavier Raufer estiment que le pays est "le laboratoire du siècle". Car la calamiteuse intervention américaine déclenchée en 2003 n'a pas seulement bouleversé la très instable géopolitique moyen-orientale. Elle a débouché sur une lourde défaite militaire de l'hyperpuissance, face à un ennemi hybride, qui n'a cessé de s'adapter et se fortifier. Au point de pouvoir aujourd'hui défier les principales armées régulières de la région. Le terme de "terrorisme" est donc potentiellement trompeur: c'est à une véritable "guerre révolutionnaire" que l'on assiste. C'est-à-dire, selon la doctrine maoïste qui en constitue la matrice, non pas une guérilla qui ne viserait qu'à harceler un Etat jusqu'à lui arracher des concessions politiques, mais une guerre totale visant à renverser cet Etat, à le remplacer par une nouvelle forme d'organisation. Par son inspiration et ses méthodes totalitaires, jusqu'à la terreur imposée aux populations, l'islamisme n'est-il pas en quelque sorte "le communisme du XXIe siècle"? La proclamation du Califat, le 29 juin 2014, est tout sauf anecdotique. Elle constitue une référence directe, et fortement mobilisatrice, à la tradition médiévale sunnite. A cet "âge d'or de l'islam" qui constitue l'horizon indépassable de l'idéologie salafiste, et dont le moteur est le jihadisme international. C'est de cette région comportant la Syrie et le nord de l'Irak qu'a surgi, au XIIe siècle, un guerrier originaire du Kurdistan appelé à devenir le héros de l'islam contre les croisés: Saladin. Le Califat promet ainsi explicitement de rendre aux musulmans leur puissance et leur fierté. L'Etat islamique participe d'un retour plus général de l'Histoire, du tragique, d'autant plus qu'il s'inscrit territorialement, pour durer. Son mot d'ordre n'est-il pas "Baqiya!", c'est-à-dire "pérennité"? Est-il réellement possible de combattre une telle résurgence identitaire et religieuse à coups de bombardements aériens? Risques et "voies de passage" pour l'Europe A n'en pas douter, l'émergence d'un "Etat de fait" en lieu et place des frontières héritées des accords Sykes-Picot de 1916 serait le signe du basculement définitif vers un monde nouveau: celui de la fin de la domination des puissances européennes, et plus largement "occidentales". Avec une responsabilité directe, écrasante, de Washington. Pour l'Europe, le risque est double. A ses frontières, celui de voir émerger un immense chaos du "Grand Moyen Orient" voulu par les Américains, avec en perspective Israël et son armement nucléaire en première ligne face au nouveau Califat islamique, potentiellement tenté de prendre son autonomie stratégique à l'égard des pétromonarchies du Golfe. Sur le sol des pays européens, le risque est celui d'une contagion terroriste. Moins en raison des jihadistes de retour du Levant, dont Xavier Raufer estime la dangerosité parfaitement maîtrisable. Mais des "instables, simplets et demi-fous recalés des divers fronts du jihad (Syrie-Irak, etc.) par des émirs craignant comme la peste ces agités, renvoyés à la maison pour y bricoler eux-mêmes leur petit jihad: les Merah, Nemmouche & co". Des individus dangereux du fait même de leur instabilité, donc, mais qui ne peuvent constituer à eux seuls une menace de dimension stratégique. "L'acte brutal et spontané d'un illuminé, si affreux qu'il soit, ne menace jamais un Etat solide dans ses fondements." C'est d'ailleurs pourquoi les Etats restent les acteurs géopolitiques incontournables -et finalement les plus rassurants- de la scène internationale. C'est aussi pourquoi une solution au défi posé par Daesh passe par les Etats impliqués. C'est-à-dire en l'espèce par Riyad, Doha et Ankara, puissances sunnites régulièrement soupçonnées de soutenir, armer et financer le terrorisme islamiste. Mais une solution qui passe aussi par Bagdad, bien sûr, ainsi que par Téhéran et... Damas. Tous les analystes s'accordent à considérer comme indispensable de renouer au plus vite le contact avec le régime syrien. D'ailleurs, Bachar al-Assad, et dans un moindre mesure Vladimir Poutine, sont-ils réellement moins fréquentables que Fidel Castro ou les émirs saoudiens et qataris ? La géopolitique nous suggère une approche réaliste, équilibrée, des relations internationales. Puissent nos gouvernants retrouver les voies de cette sagesse.

Supprimer le Bac

Le mois de juin est arrivé avec son marronnier: le baccalauréat, pris tantôt sous l'angle de l'élève, tantôt sous l'angle des parents, des professeurs, des établissements, voire des médecins ou des pharmaciens sollicités contre le stress ambiant. Dès les premiers jours de juin, les lycées renvoient les élèves de terminale pour "réviser", comme si on ne révisait pas mieux dans l'établissement avec des professeurs... Souvent le même sort est d'ailleurs réservé aux élèves des autres niveaux "pour préparer les salles d'examen" , comme s'il fallait plus d'une journée pour préparer les salles (nettoyage par les agents et collage des étiquettes sur les tables). Au plus tard, il n'y aura plus de cours dans les lycées à partir du 13 juin, la plupart des professeurs étant appelés à partir du 17, pour surveiller puis corriger les épreuves du baccalauréat. La fin d'année scolaire officielle est bien le 4 juillet? Donc, à cause du bac, trois semaines de cours perdues en seconde, puis en première puis en terminale... Ajoutons à cela les absences de professeurs en novembre et décembre pour proposer, préparer, étudier, tester les sujets - sujets premiers ET sujets "de secours"- de chaque discipline pour les 9 séries: il y en a plus de 150, avec les disciplines technologiques, et les 60 langues courantes, rares ou régionales possibles. Nous sommes, par élève, au minimum, à 3 mois de cours perdus -un trimestre- sur une scolarité de 9 trimestres en lycée, rien que pour la préparation du baccalauréat! Et si on parlait du prix, en cette période où l'état est censé faire des économies? L'impression et la distribution des sujets -premiers et de secours- comme celles des copies d'examen et du brouillon fournis aux candidats, les indemnités de déplacement, de correction, de responsabilité, ajoutées aux heures perdues représentaient en 2013 selon le calcul d'un syndicat de personnels de direction 1,5 milliard d'euros! Tout cela pour que 86% des élèves, et 93% après un redoublement, des élèves de terminale obtiennent cet examen -et les chiffres augmentent chaque année, il ne faut pas laisser penser que le niveau baisse!-, certains grâce à l'avis du conseil de classe qui peut "rattraper" les défaillances dues au stress, d'autres grâce à la bienveillance du jury, (pressé d'en finir avec les candidats pour, enfin, partir en vacances?) , voire grâce à un moyen de fraude sophistiqué ( les montres "connectées" cette année) ou plus traditionnel (les "anti-sèches" ou les téléphones portables, pas les vieux déposés ostensiblement sur le bureau du surveillant de salle, mais les extra-plats qu'on garde sur soi) quand ce n'est pas grâce à une copie perdue par le correcteur ou le centre de traitement... Il faut imaginer quelques instants la circulation des copies: les établissements font en principe passer le bac à leurs élèves, sauf s'ils sont en travaux, et ce n'est pas rare (dans ce cas les élèves sont parfois affectés très loin de leur domicile pour subir les épreuves dans un lycée qui a de la place), sauf si les établissements sont privés "hors contrat" ( les élèves sont affectés dans d'autres lycées pour le bac), sauf pour les candidats individuels qui, par définition, ne fréquentent pas un établissement scolaire. Un lycée qui a toutes les séries de bac ( L, ES, S, STI, STMG par exemple) sera centre de correction au plus pour une série avec une spécialité. Si le lycée corrige, par exemple, la série S sciences de l'ingénieur, il recevra les copies de plusieurs lycées offrant la série S -SI; pendant que des personnels recompteront les copies apportées par les agents des autres établissements du regroupement, d'autres porteront les copies de la série L spécialité langue dans un lycée, spécialité arts plastiques dans un autre (...il y a une dizaine de spécialités). La série ES dans deux ou trois autres établissements encore, la série S-SVT un peu plus loin, etc. Avec une, parfois 2 voitures par lycée, et peu de personnels pour les conduire, la balade des copies, qui s'effectue après chaque épreuve, est digne d'une pièce de Ionesco! Les chefs d'établissement appellent parfois leurs collègues vers 22 heures pour demander les copies, parties dès la fin de l'épreuve et de l'emballage, mais coincées dans un embouteillage. Et on recommence le lendemain pour l'épreuve suivante... Quand toutes les copies sont arrivées, il faut les brasser, pour qu'un correcteur n'ait pas que les copies d'un même lycée, il faut que les professeurs convoqués viennent les chercher (certains n'ont pas reçu ou n'ont pas trouvé leur convocation envoyée dans leur établissement, certains sont tombés malades... la veille des corrections).Chaque année, quelques paquets restent au coffre plusieurs jours, le temps que le service des examens trouve un professeur libre, mais injoignable. IL faut aussi que les copies reviennent: autre problème. J'étais un dimanche d'après-bac sur la plage et je voyais un professeur qui manifestement corrigeait des copies de bac, assis sur un rocher: un coup de vent a envoyé quelques copies dans la mer. Dans ce cas, rassurons les candidats, on met une très bonne note pour que personne ne pose de question. Au retour des copies, les lycées doivent saisir les notes très vite, préparer les copies pour les jurys, puis pour la consultation par les candidats, de plus en plus nombreux à vouloir en vérifier la correction... et parfois à juste titre: un élève qui avait très bien réussi s'étonnait un jour de n'avoir que 1, en fait, après recomptage des points du devoir, le professeur avait effacé le 2e chiffre, sans doute erroné, et avait oublié de réécrire le 8, ce qui faisait 1 au lieu de... 18! Que de temps passé en manipulation et transport à une période où la réflexion sur les actions de l'année, et une préparation sereine de la rentrée suivante seraient plus utiles!