mardi 16 mai 2017
Le triomphe du pessimisme
Créditée de 40,5 % des suffrages exprimés par la vague 14 de l’enquête électorale française du Cevipof (dont le terrain a été réalisé du 30 avril au 3 mai 2017 avant le débat télévisé), Marine Le Pen obtient un peu plus de 34 % des suffrages au soir du second tour de la présidentielle, le 7 mai. La victoire écrasante d’Emmanuel Macron ne peut cependant cacher le fait qu’une progression spectaculaire du vote en faveur du Front national s’est opérée depuis 2012, mais aussi depuis 2002 lorsque Jean Marie Le Pen avait obtenu 17,8 % des suffrages exprimés. Cette situation peut s’expliquer sans doute par le contexte particulier de l’élection présidentielle de 2017. Au total, on remarque que 38 % seulement des électeurs déclarent, à la veille du scrutin, vouloir voter pour Emmanuel Macron par adhésion alors que la proportion d’électeurs de Marine Le Pen adhérant à son programme est de 57 %, une proportion certes bien supérieure mais qui laisse tout de même 43 % la choisir par défaut. Au total, l’élection présidentielle de 2017 a produit de nombreuses frustrations et mis en en lumière le décalage entre l’offre et la demande politique. Mais elle recouvre également un nouvel investissement dans le Front national qui absorbe en grande partie la vague populiste et souverainiste qui déferle sur la France depuis 2012. La présidente du FN entend faire de cette dynamique l’axe autour duquel elle cherche à organiser l’opposition. Le niveau électoral atteint par Marine Le Pen, outre le fait qu’il va mettre en cause le scrutin uninominal pour les élections législatives, qui ne permettront pas au FN de prolonger ce succès à l’Assemblée nationale, montre que sa base électorale s’est singulièrement élargie et ne correspond plus à la seule classe ouvrière ou aux petits commerçants. Le vote de classe s’est érodé pour laisser la place à un vote de classement. L’augmentation du vote en faveur du candidat du Front national a été multipliée en moyenne par un peu plus de deux entre le second tour de la présidentielle de 2002 et celle de 2017. Cette évolution moyenne doit être cependant discriminée par catégorie socioprofessionnelle. La comparaison peut être faite avec les résultats du panel électoral du Cevipof mené en 2002. On voit que les niveaux de départ ne sont pas les mêmes puisque Jean Marie Le Pen avait obtenu environ 11 % des suffrages exprimés chez les cadres contre 24 % chez les ouvriers. Si sa fille double son score chez les ouvriers, phénomène de croissance largement observé par les analystes depuis des années, elle arrive presque à le tripler chez les cadres et à le quadrupler chez les petits indépendants (agriculteurs sur petites et moyennes exploitations, artisans, petits commerçants). Elle fait également plus que le doubler chez les grands indépendants (chefs d’entreprises de 10 salariés et plus, professions libérales, agriculteurs sur grandes exploitations).