mardi 3 janvier 2017
Une certaine malfaisance de la richesse
Plus malfaisant que l'orgueil inspiré par la richesse, est celui qu'inspire le pouvoir, et par pouvoir j'entends ici toute puissance qu'un homme a sur un autre homme, qu'elle soit étendue ou bornée. Je ne vois aucun moyen d'éviter qu'il y ait dans le monde des hommes inégalement puissants. Tout organisme suppose une hiérarchie des forces. Nous ne sortirons jamais de là. Mais je crains que, si le goût du pouvoir est très répandu, l'esprit du pouvoir ne soit presque introuvable. À force de le mal comprendre et d'en mésuser, ceux qui détiennent une parcelle quelconque de l'autorité en arrivent presque partout à la compromettre.
Le secret de l'ascendant moral appartient à ceux qui commandent avec simplicité. Ils adoucissent par l'esprit la dureté du fait. Leur pouvoir n'est ni dans le galon, ni dans le titre, ni dans les mesures disciplinaires. Ils ne se servent ni de la férule, ni des menaces et pourtant ils obtiennent tout: pourquoi? Parce que chacun sent qu'ils sont eux-mêmes prêts à tout. Ce qui confère à un homme le droit de demander à un autre homme le sacrifice de son temps, de son argent, de ses passions et même de sa vie, c'est que non seulement il est lui-même résolu à tous ces sacrifices, mais qu'il les a faits d'avance intérieurement. Dans l'ordre que donne un homme animé de cet esprit il y a je ne sais quelle puissance qui se communique à celui qui doit obéir à l'aide et faire son devoir.
Dans tous les domaines de l'activité humaine, il y a des chefs qui inspirent, soutiennent, électrisent leurs soldats: sous leur direction, une troupe fait des prodiges. On se sent capable avec eux de tous les efforts, prêt à passer par le feu, selon l'expression populaire, et c'est avec enthousiasme qu'on y passerait.